DÉCENT, E adj. (lat. decens)

DÉCENT, E adj. (lat. decens). Conforme aux exigences minimales ; convenable, suffisant, correct. Le prix du panier est fixé afin de permettre au producteur de l’AMAP de maintenir son exploitation et de s’assurer un revenu décent.

La question que nous voudrions aborder ce soir d’Assemblée Générale est celle du revenu de nos maraîchers et du prix du panier.

Cette question n’est pas nouvelle puisque déjà, en octobre 2008, nous avions créé une commission “Économie” au Comité de pilotage du BioRéseau, dont l’un des buts était « une réflexion sur l’équité du prix » des paniers. Force est de constater que nous n’avons pas beaucoup avancé depuis 5 ans.

Une première approche pour évaluer le prix d’un panier consisterait à prendre comme repère les prix des légumes sur le marché. Il faut tout de suite dissiper une illusion : les prix du marché, c’est-à-dire ceux de l’industrie agroalimentaire, sont falsifiés. Ces prix que l’on lit sur les étiquettes constituent une mystification car ils ne tiennent aucun compte du coût réel des aliments :

– passons sur le coût environnemental de cette industrie, que vous connaissez :

– pollution et perte de fertilité des sols liée à leur surexploitation et à l’utilisation d’engrais et de pesticides,

– pollution des cours d’eau (voir les algues vertes sur les côtes bretonnes),

– perte de la biodiversité alimentaire liée aux monocultures, désertion des campagnes

– transport de denrées alimentaires sur de longues distances, avec les conséquences en termes de pollution et de réchauffement climatique,

– destruction des forêts primaires pour la culture extensive du palmier à huile, du soja transgénique,…

– et insistons sur le coût humain et social de cette industrie :

– paupérisation et endettement des paysans, maladies professionnelles liées à l’utilisation des pesticides,

– suicides des paysans : l’Institut de veille sanitaire vient de publier au mois d’octobre 2013 une étude montrant que les agriculteurs exploitants présentaient un risque de décéder par suicide trois fois plus élevé chez les hommes et deux fois plus élevé chez les femmes, que celui des cadres. Ce qui place la catégorie sociale des agriculteurs exploitants comme celle présentant la mortalité par suicide la plus élevée parmi toutes les catégories sociales ; un agriculteur se suicide tous les deux jours en France,

– exploitation des travailleurs dans les filières agro-industrielles : sans aller chercher en Allemagne les ouvriers immigrés d’Europe de l’Est qui découpent les porcs bretons pour un salaire horaire de moins de 4 euros, vous savez qu’à nos portes, dans le vignoble des Corbières, des saisonniers portugais taillent nos vignes pour 3 euros de l’heure, la presse s’en est fait l’écho la semaine dernière,

– sans parler des « campesinos » uruguayens expulsés pour permettre la culture de soja transgénique destinée à l’alimentation du bétail occidental.

Qui assume ce coût ? Des hommes, la société toute entière, la planète et les générations à venir, pas le consommateur. Les prix du marché sont trompeurs, le prix que nous payons n’est qu’une partie de son coût réel, environnemental et social. Ce n’est pas à ce prix du marché que nous pouvons nous fier pour déterminer la valeur des paniers que nous apportent chaque semaine nos maraîchers.

Une seconde approche pour la détermination d’un prix équitable pour nos paniers et pour un maraîchage éthique, c’est de s’intéresser au revenu du producteur.

Quel est le revenu que le maraîcher tire de son travail ? Son revenu horaire est-il si différent de celui des portugais qui taillent nos vignes et dont nous dénonçons l’esclavage? Son revenu mensuel net est-il correct, suffisant ? Nous sommes une AMAP, c’est à dire, littéralement, une Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne. Le soutien au maraîcher passe, en premier lieu, par le fait d’assurer au maraîcher un revenu décent.

Cette discussion, nous allons l’avoir lors de cette Assemblée Générale avec nos maraîchers qui vont nous dire quels sont leurs charges et leurs revenus. Le même type de problème a été débattu dans une AMAP du Pas-de-Calais il y a plus d’un an et il a été décidé d’augmenter le prix du panier et le nombre d’amapiens se répartissant la production hebdomadaire de leur maraîcher (60 paniers à 16,50€), en acceptant que chaque panier soit légèrement plus léger que l’année précédente. Le consommateur doit apprendre à se dire : « Combien dois-je payer mes légumes afin que mon maraicher ait un revenu décent en rapport avec son travail ? » au lieu de « Comment payer mes légumes le moins cher possible ? ». Le respect du producteur passe par une rémunération correcte de son travail.